Charles Gros, originaire de la Franche Comté, naît à Montbéliard le 22 avril 1862. Il appartient, par ses ascendants paternels, depuis le XVI° siècle, à une famille protestante de forgerons, qu’il a chantée en des vers éloquents.
Il n’a que 5 ans quand son père décède. « Elevé doucement et tendrement par une mère d’une grande intelligence et d’un grand cœur, il garde de l’éducation maternelle, une empreinte ineffaçable ». C’est d’elle qu’il tient sa sensibilité profonde, son amour des humbles, ses révoltes, véhémentes parfois, contre l’injustice sociale.
Tout d’abord élève de l’Ecole annexe de l’Ecole normale d’instituteur de son pays, il entre ensuite au collège de Montbéliard, où il remporte les plus grands succès, tellement il est très doué, attentif et travailleur, malgré la délicatesse de sa santé.
Reçu au baccalauréat ès-sciences en 1879, il se prépare seul au concours d’admission de l’Ecole normale d’enseignement général de Cluny, où il est admissible à l’agrégation en 1883. La même année, il est chargé de cours au Lycée de Montluçon, le 22 septembre. L’année suivante, il est agrégé, à 23 ans, et nommé professeur le 10 octobre au Lycée de Poitiers.
Esprit émancipé, républicain épris des idées de progrès social, il devient militant socialiste, de tendance guediste (Jules Guesde venu à Troyes en 1880).
Il est jeune professeur agrégé d’histoire et de géographie, en poste à Lille depuis le 27 septembre 1885, quand il découvre le texte d’Eugène Pottier, « L’Internationale », dans le recueil « Chants révolutionnaires ». Il le transmet à la section Lilloise du Parti Ouvrier, Le maire demande alors à Degeyter, de le mettre en musique. Il va devenir l’hymne du Parti Socialiste.
Il est nommé au Lycée de Troyes, le 14 septembre 1887, et y enseigne la Littérature, l’Histoire, la Géographie, l’Art, la Législation, l’Economie politique. Partout, Charles Gros honore l’Université par le zèle et la science avec lesquels il s’acquitte des fonctions qu’elle lui confie, même après le jour où une cabale est menée contre lui. Une campagne se déchaîne en 1895, notamment par « La Croix de l’Aube », contre le professeur-poète Ch. Gros. Le préfet Tournier « provisoirement méliniste », fait chorus jusqu’à son départ de Troyes à la mi-décembre 1895. Le Proviseur Flassayer devient suspect lui-même pour avoir essayé de mettre les choses au point, et il se voit faire divers griefs, dont celui de ne pas revoir d’assez près les corrections des compositions d’élèves, de témoigner un respect exagéré de la conscience de ses collaborateurs. «Le Petit Troyen du 5 juillet apprend aux populations stupéfaites et scandalisées que le proviseur du Lycée de Troyes, M. Flassayer, devient le tuteur des enfants de l’anarchiste empoisonneur ». Tous ces faits sont publiés et commentés sans relâche, mais, la terreur que Charles Gros exerce est telle, son influence sur le Proviseur, les relations qu’il affiche avec les députés et la presse si notoires, que M. le Proviseur n’a jamais eu l’énergie nécessaire pour l’avertir sérieusement ou le maîtriser, et a préféré, au contraire, lui donner par calcul et peur, des gages réfléchis, graves, successifs, qui le rendent peut-être plus coupable que Charles Gros.
Le 25 octobre 1895, le Ministre de l’Intérieur, demande au Préfet de l’Aube, M. Fournier, si M. Charles Gros collabore au Petit Troyen sous le pseudonyme de Millet. Il lui rappelle que le 16 janvier 1894, une perquisition a été faite à Troyes, chez l’anarchiste Jobart, avec saisie de publications révolutionnaires transmises par M. Gros, professeur au lycée.
Le 17 novembre 1895, le Recteur demande à l’Inspection Académique de donner des instructions pour le départ de Charles Gros : « je vous signale ce professeur comme un homme très dangereux, parce qu’il est très intelligent, et capable de soulever dans toute la presse socialiste et collectiviste, une grosse tempête, quand il le voudra. La seule sanction logique serait le double départ du Proviseur et de M. Gros, mais je dois faire connaître à M. le Ministre que cette mesure provoquerait certainement une interpellation des députés socialistes de l’Aube à l’affût de tous les prétextes, pour faire du bruit…».
Le 5 février 1896, le Ministre de l’Instruction Publique écrit au Ministre de l’Intérieur, disant qu’il a pris connaissance des rapports de son collègue et qu’après avoir consulté M. Le Recteur de Dijon, il a paru que le déplacement de M. Gros présenterait en ce moment de sérieux inconvénients, étant donné surtout que ce professeur n’a encouru aucun reproche au point de vue professionnel. Tel est d’ailleurs l’avis de M. le Préfet de l’Aube, qui estime que la mesure dont il s’agit pourrait avoir des conséquences politiques graves : « J’aimerais votre avis, mais je pense aussi que le Proviseur M. Flassayer doit être mis hors de cause ».
Cette même année, lors du procès de l’anarchiste empoisonneur Roy, qui était en relation avec Reclus et Kropotkine, M. Gros, ami intime de l’empoisonneur, est cité par l’anarchiste, comme témoin à décharge, et s’engage dans de telles digressions, et remarques apologétiques de son ami, que le Président est obligé de le rappeler plusieurs fois à la question. Roy, est condamné à 15 ans de travaux forcés. Il était question à ce moment-là, d’un mariage entre Charles Gros et la fille du condamné.
Cette situation déplorable favorise alors l’enseignement de la nouvelle institution des Jésuites, dite de « Saint Bernard », qui compte déjà 300 élèves, car l’attitude de Messieurs Gros et Flassayer produit dans tout le département et parmi tous ceux qui ne sont pas socialistes, un effet dont il est facile de saisir la portée.
Charles Gros publie 2 volumes de vers, d’une facture délicate, qui lui vaut une réputation méritée. Il publie en outre dans la presse troyenne, de nombreuses pièces fugitives qui ne sont pas les moins bonnes de ses productions.
Il semble que le socialiste Charles Gros s’assagit lorsqu’il est muté à Mâcon le 15 octobre 1896. Il se marie avec Louise Lambin (qui a 28 ans en 1900). Il demande un congé de 6 mois le 26 octobre 1899.
Il est nommé Professeur de Lettres à Chaumont, le 18 avril 1900. Il collabore à La Jeune France, La Jeune Belgique, La Revue Belge, La Revue du Siècle, Le Semeur, La Revue internationale de Florence, La Nouvelle Revue, La Revue Socialiste, publiant des textes dans ces petites revues engagées, ainsi que quelques recueils de poésie. Après le départ de l’avocat Bresson, il prend la tête du groupe socialiste de Chaumont. Bien que plus modérée, son action continue de susciter des polémiques, notamment dans Le Petit Haut-Marnais, organe radical-socialiste.
Il décède à Chaumont, le 16 janvier 1906.
Charles Gros a un fils né à Chaumont le 17 septembre 1900, décédé le 16 décembre 1917 à Paris.
Cultivé, ardent, Charles Gros est poète à ses heures. Il publie plusieurs recueils : Les Poèmes habituels (1887), Sous l’Etoile (1887), et, peu avant sa mort : Qu’importe.
Louis Morin écrit dans l’Almanach du Petit Troyen (socialiste) de 1917 : « Troyes a perdu en 1906, un de ses enfants adoptifs les meilleurs, un de ceux qui lui firent le plus d’honneur et qui l’aimèrent le mieux, le poète Charles Gros… c’était un poète, un vrai, un excellent poète…L’homme privé valait, chez lui, le fonctionnaire et l’écrivain… il était bon, foncièrement bon… Tous ceux qui le connaissaient étaient heureux de l’avoir vu enfin se créer un intérieur en se mariant selon ses idées et selon son cœur… La question sociale, la misère sociale, lui ont surtout inspiré des strophes superbes de pitié, d’indignation, de sainte colère…Les doctrines collectivistes s’étaient, en effet, imposées dès l’adolescence à son esprit affamé de justice, il les adopta d’enthousiasme, les étudia passionnément, les servit avec ferveur. A Montluçon, puis à Lille, il eut l’occasion de fréquenter les principaux chefs du Parti, et désormais leurs inspirations furent les siennes… ».
Charles Gros fait de Troyes son pays d’adoption, et chante notre vieille ville, c’est pourquoi la Commission de la Voirie de la Ville de Troyes, suite au vœu de l’Association amicale des anciens élèves du Collège et du Lycée de Troyes, propose au Conseil municipal du 11 février 1922, de donner le nom de Charles Gros à la rue de la Petite Tannerie, dont le nom fait double emploi avec celui de la rue parallèle, dite de la Grande Tannerie.
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