Le 10 août 1816, naît à Spoy dans l’Aube, Charles-Laurent Bombonnel.

 

C’est un héros, qui a « tiré dans son temps, une grande estime et une fière renommée, tant en France qu’en Algérie. C’est le chasseur intrépide qui ne recule devant aucune fatigue et aucun danger ».

Bombonnel, dans un livre publié en 1860 « Bombonnel le tueur de panthères », diffusé par la maison Hachette, écrit avec le plus grand naturel, lui qui dit-il : « n’ayant reçu que des mois d’école à 5 sous dans un pauvre village, ayant usé plus de genoux de pantalon à la chasse que de fonds de culotte sur les bancs du collège, que je n’ai jamais connus…tous ceux qui ont écrit sur la panthère, naturalistes, chasseurs, voyageurs, ont commis tant d’erreurs à son sujet… témoin de faits nombreux qui étaient en contradiction flagrante avec les jugements et les observations des auteurs, j’ai cru qu’il était de mon devoir de raconter exactement, minutieusement même, tous ces faits…tout chasseur est un menteur dit le proverbe, mais il n’y a pas de règle sans exception et je tiens beaucoup à faire partie de l’exception…».

Ce livre fut un best-seller avant la lettre.

Laissons parler Charles-Laurent : « …Mon père, habile et intrépide chasseur, meilleur tireur de son arrondissement, m’inspira de bonne heure le goût de la chasse… en décembre 1835, je m’embarque au Havre, et 45 jours plus tard, je fais mon entrée à la Nouvelle Orléans… en 1836, ayant appris qu’il y a des sauvages dans l’Île de la Passe-Christian, je m’y rends pour trafiquer avec eux… à la vue de ces Indiens, de leurs armes, de leurs chasses et de la quantité de gibier de toute sorte qu’ils en rapportent, la passion de la chasse se réveille en moi plus vive que jamais… Ayant réalisé une petite fortune, honorablement acquise, je rentre en France en 1844, et me marie.. En côte d’Or, je reçois plusieurs primes de loup et je fais des chasses aux sangliers... La même année, je fais un voyage à Alger pour quelques affaires, avec mon fusil, bien entendu. La quantité prodigieuse de gibier que je rencontrai me fait dire que l’Algérie est la terre promise des chasseurs. On parlait beaucoup, pendant mon séjour, de panthères qui ravageaient le territoire des tribus… un but s’offre devant moi : défendre l’Algérie contre un ennemi cruel, insatiable, qui sans cesse revient au pillage et qu’on ne peut arrêter, faire à moi seul la chasse à la panthère… la grande panthère pèse 200 à 400 livres, la plus forte que j’aie vue, mesurait 3 m 20, du bout du nez à l’extrémité de la queue ; la queue représente toujours le tiers de la longueur totale de la bête… un soir, les arabes me montrent les os de la dernière vache qu’une panthère a dévorée. Je demande une chèvre, que j’attache à 5 mètres, et plante devant moi quelques branches feuillées pour me masquer. Les arabes me quittent en me promettant de prier pour moi jusqu’au jour. Vers 10 heures, ma chèvre tremble de tous ses membres, ayant des crises nerveuses. Je vois sous bois , deux charbons ardents, immobiles. Retenant ma respiration, le visage couvert de moustiques que je n’ose chasser, je mets en joue et tire. Des pas lents et légers se rapprochent, et tout-à-coup luit un œil large ouvert, qui semble toucher le bout de mon fusil. Je tire et vois se dresser une masse comme un cheval qui se cabre : c’est la panthère. Mon second coup arrive en pleine poitrine, renverse la bête sur le dos, à 8 mètres de moi. Je fais un bond en arrière, mon couteau à la main, m’attendant à un abordage, mais c’est fini : j’entends trois souffles puissants, irréguliers, puis plus rien. C’était une femelle de 2 m 85. Après une heure de marche, je retrouvai les gourbis. Les Arabes me demandent si la panthère est morte. Alors ils arrivent en courant, avec de grandes manifestations de joie, ils couvrent de baisers mes mains, mes épaules, ma tête et mes genoux...".

                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                           

Dernier paragraphe du livre de Bombonnel : « Autant vaudrait nier le Créateur et la création, que de nier le langage des animaux. La création est parfaite et le Créateur a donné à chaque espèce d’animaux une langue et les moyens de la comprendre. J’en ai la certitude, fondée sur une longue et patiente étude ».

 

Y a-t-il un seul Aubois qui sait qu’Alphonse Daudet l’a connu ?

 

Dans son Tartarin, il fait se rencontrer dans une diligence du sud de l’Algérie, le célèbre tueur de lions et l’intrépide chasseur de panthères. Le premier est créé par l’imagination, l’autre est notre authentique aubois ! Daudet, en plusieurs endroits de son livre, se réfère à l’exemple silencieux et modeste de Bombonnel. Cette attitude montre que le célèbre écrivain le tenait en une indiscutable considération, ce qui prouve bien qu’on savait en France sa réputation de bravoure parfaitement justifiée. L’auteur de Tartarin voit en notre compatriote l’antithèse de son héros bluffeur et poltron.

Notre grand chasseur est aussi un grand patriote. Bombonnel, pendant la guerre de 1870-71, organise et commande une compagnie de francs-tireurs qui prend part aux combats de la Loire et de l’Est. Il écrit à son ancien maître d’école :« J’ai été rudement éprouvé, en 6 mois, je n’ai pas sorti mes pieds de mes souliers plus de 20 fois ! J’ai eu 16 engagements avec l’ennemi. J’ai attaqué 14 fois, et toujours des forces numériques 2, 3 et 10 fois plus considérables que les miennes… En dernier lieu, j’avais 1.000 hommes sous mon commandement… Dans toute ma campagne de 6 mois, je n’ai perdu que 165 hommes… Avec une journée de vivres, nous marchions 52 heures, traversant toutes les lignes prussiennes…».

Charles-Laurent Bombonnel décède veuf et sans postérité le 3 mars 1890.

Le Muséum d’Histoire Naturelle de Paris a donné à notre musée, une panthère tuée le 27 octobre 1877.