Pierre, Charles Simart


La rue du Fort Bouy (four de l’évêque seigneur du lieu), est appelée rue Simart, par décision du Conseil municipal en date du 22 février 1908.

 

         Pour les Aubois d’aujourd’hui, les mérites d’une gloire nationale se bornent souvent à peu de chose : un nom donné à une rue !

 

         Pierre-Charles Simart naît le 27 juin 1806, au foyer d’un menuisier, 36, de la rue Saint-Jacques (rue Kléber). Antoine Simart et sa femme Catherine Loiseau, avaient attendu 7 ans la naissance de cet enfant. Ils eurent 2 fils qui grandirent comme les autres enfants pauvres de ce Quartier Bas.

 

         Dès l’âge de 5 ans, l’aîné fit montre de dispositions pour le dessin, couvrant même de graffitis quelques murs de torchis de la rue des Deux Paroisses. Sous l’occupation qui suivit l’Empire, il se mit à sculpter de petits canons sur leurs affûts puis, devenu enfant de chœur, il construisit de petites églises en bois avec tours et clochers.

 

Son père l’envoya à 10 ans à l’école municipale de dessin de Troyes, qu’il avait fréquenté lui-même. Pourtant, ses parents besogneux firent tout pour décourager la vocation de leur rejeton lorsqu’ils comprirent que celui-ci entendait déserter l’atelier familial. La mère de Pierre-Charles Simart se montra incompréhensive et dure, au point de brûler, dans le grenier familial, les portraits que le jeune obstiné s’exerçait à y dessiner le dimanche après-midi.

 

Cependant, il travaillait avec son père et, de 13 à 16 ans, il participa à l’exécution du maître-autel et de la chapelle de la Vierge de l’église Saint-Nizier. Apprenti soumis à la volonté de ses parents employeurs, il continuait à suivre les cours de dessins de la Ville et se livrait toujours à la sculpture dans son grenier.

 

C’est une étonnante copie d’une statuette de Niobé (Dans la mythologie grecque, Niobé est la fille de Tantale et l'épouse d'Amphion) qu’il fit dans un bloc de craie qui attira sur lui l’attention de personnes influentes, membres de l’Institut. En 1823, le Conseil Municipal de Troyes, grâce au peintre-écrivain Paillot de Montabert (1771-1819), lui fit une pension de 300 francs, pour l’aider à étudier la sculpture.

 

Agé de 17 ans, il arrive à Paris, où il entre dans l’atelier de Desboeufs (1793-1862) pour devenir bientôt l’élève de Dupaty, membre de l’Institut (1771-1825), puis compagnon de travail du célèbre Jean-Bernard Du Seigneur (1808-1866). Plus heureux que derrière l’établi de la rue Saint-Jacques natale, il connait pourtant les plus cruelles privations, comme le montre sa correspondance. Cependant, entré aux Beaux Arts, il devient vite « un des élèves qui sont l’espoir de l’Ecole » et le Conseil Municipal de Troyes porte sa pension à 400 francs. En même temps, le conseil de fabrique de Saint-Pantaléon lui commande 3 modèles de bas-reliefs : la Foi, l’Espérance et la Charité. Quoique encore très académique, ce bas-relief présageait très favorablement de l’avenir. Mise sous les yeux du roi par un puissant et généreux protecteur aubois, le duc de Luynes, l’œuvre destinée à Saint-Pantaléon valut au jeune artiste une gratification de 500 francs et le ministre de l’Intérieur lui confia l’exécution d’un buste de Charles IX destiné à la ville de Troyes. Il travailla ensuite à une statue de la nymphe « Coronis » blessée à mort. Cette gracieuse statuette fut présentée au salon de 1831 en même temps que le buste en marbre d’une noble dame troyenne. A la même époque il fit un médaillon figurant « La Ville de Troyes », ce qui lui rapporta plus d’honneur que d’argent. Cette même année, il remporta le premier second grand prix de Rome, décerné à son bas-relief de la « Mort de Caton ». En 1833, il concourt pour le « Prix de Rome » avec le sujet « Le vieillard et ses enfants ». Ce bas-relief de Simart, conservé à l’Ecole des Beaux Arts, consiste en un groupe de 6 personnages, révélant une grande science du nu.  Il valut à Simart le premier grand prix de Rome. Le conseil municipal de Troyes lui adressa une lettre de félicitations. Pour le Louvre, il exécute le fronton du pavillon Denon représentant Napoléon III entouré de la paix et des arts, le fronton du pavillon Sully figurant Napoléon 1er dominant l’Histoire et les Arts, et deux groupes de cariatides au Pavillon Sully. Il intervient aussi pour la décoration des plafonds du Salon Carré.

 

L’Etat lui commande la « Philosophie » et la « Poésie épique », pour le Palais du Luxembourg.

 

          En 1841, il se marie avec Laure Jay, fille d’un professeur de l’Ecole des Beaux Arts de 17 ans moins âgée que lui, fervente admiratrice du talent de son mari et musicienne « distinguée ».  

 

         Il perdit coup sur coup son père en 1842 et, sa mère et une fillette en bas âge en 1845.

 

Il devient membre de l’Institut en 1852, et est nommé professeur à l’Ecole des Beaux Arts

 

Notre artiste était plein de projets lorsque le destin interrompit brusquement sa carrière. Membre du jury de l’exposition des Beaux Arts, il dut se rendre dans un quartier de Paris éloigné de son domicile. Resté simple de goûts et peu dépensier, le membre de l’Institut prit l’omnibus et tomba en descendant de ce véhicule. Le genou ensanglanté, ramené chez lui, la blessure s’envenime et il meurt le 27 mai 1857.

 

Conduit en grande pompe au cimetière Montparnasse, le fils du menuisier du Quartier Bas de Troyes eut droit aux « apostrophes les plus académiques de ce qu’Eyriès appelle sans malice le monde intelligent ».

 

Après le décès de son mari, sa deuxième épouse entre dans les ordres sous le nom de révérende mère Saint-Pierre.

 

Simart est fait Chevalier de la légion d'honneur en 1846, puis officier en 1856.

 

La Ville de Troyes reçut 186 plâtres originaux, soit, la presque totalité de l’œuvre de Simart, depuis sa délicate « Coronis », sa première statue, et jusqu’à la fière et colossale « Minerve », qui font l’honneur et la richesse de notre Musée.

 

Le choix de la Mairie pour dénommer cette rue Simart, a dû être déterminé parce qu’étant dans le quartier natal de notre artiste, aboutissant à mi-chemin de la maison paternelle et du bâtiment qui renfermait ses œuvres. Ce premier musée de Troyes, créé en 1831, jouxtait l’ancienne abbaye de Saint Loup. Sa vénérable maison est devenue une succursale des Economiques Troyens, qui se trouvait à l’angle de la rue Célestin Philbois et de la rue Kléber, et que de nombreux anciens Troyens se souviennent encore, avant qu’elle ne soit démolie, pour devenir une petite ère de jeux pour enfants.

 

Amédée Gayot (1806-1880), qui fut député de l’Aube, Sénateur, Conseiller municipal, Président du Conseil général a écrit : « Allez étudier ces chefs-d’œuvre, allez aussi au chevet de notre cathédrale, admirer cette « Vierge à l’Enfant », si suave et si chaste, la plus merveilleuse à mon avis, des inspirations de Simart. Et, si en sortant de cette contemplation, le hasard vous fait passer devant la maison de la rue Saint-Jacques, je suis sûr que vous vous découvrirez, en signe de reconnaissance et de respect ».              

 

Une rue du 18° arrondissement de Paris porte aussi son nom.