Parlons maintenant des andouillettes.
Dès l’époque gallo-romaine, Troyes est déjà renommée pour ses andouillettes !
En 877 elles sont servies au dîner offert au roi Louis Le Bègue lors de son
couronnement en la cathédrale de Troyes.
En 1389, lors de leur séjour à Troyes,
Froissard, Isabeau de Bavière et Valentine de Milan, femme de Louis, duc d’Orléans, se délectent
d‘andouillettes.
En 1527, Odard Hennequin, aumônier de
François 1er, fait apprécier à la Cour les incomparables qualités des andouillettes
de sa ville natale. Il est fait mention dans les registres capitulaires de la cathédrale de Troyes, d’envois
réguliers d’andouillettes par les chanoines à des personnages influents.
En 1566, la Ville
envoie des andouillettes en présent
à ceux qui sont chargés des affaires de la ville de Troyes à Paris.
Ainsi, en 1576, le Conseil de Ville envoie Jean de Mauroy
copieusement pourvus de jambon au Prince de Condé (à Villenauxe), pour lui demander de mettre notre ville, menacée par plusieurs compagnies du duc d’Alençon, sous sa
protection.
En 1586, le Maire et les échevins se rendent à Joinville
pour informer le duc de Guise, Gouverneur de la Champagne, des troubles qui menacent de se produire à Troyes, et ne manquent pas de lui offrir des jambons et des langues de
bœuf.
La municipalité, les communautés, les
notabilités troyennes, renoncent aux dons traditionnels de confiseries, miel, confitures ou hypocras, et prennent de bonne heure l’habitude d’accompagner leurs hommages et d’appuyer
leurs requêtes par des présents d’andouillettes, universellement réputées !
Nous avons eu à Troyes nos oies du Capitole,
ou les classiques délices du Capone, comme l’a dit notre grand historien Lucien Morel-Payen. Que s’est-il passé d’insolite, le 17 septembre 1590 ?
Une armée royaliste forte de 4.000 hommes
franchit les remparts de Troyes, pour tenter de reprendre, par surprise, la ville aux ligueurs. Vers trois heures du matin, ils parcourent les rues, à la recherche de Claude de Guise,
Gouverneur de la Champagne, enfant de onze ans, héritier d’une succession paternelle bien pesante. Prévenu, il court se cacher dans la tour de la cathédrale. Les royalistes arrivent
dans le quartier Saint Denis où se fabriquent les fameuses andouillettes, et les soldats s’empiffrent à qui mieux mieux. Les ligueurs les surprennent et les boutent hors de Troyes. 7 à 800 restent sur le
carreau, et les autres s’enfuient.
Le 28 avril 1650, Louis XIV, revenant d’une campagne
en Bourgogne, s’arrête dans sa bonne ville de Troyes, pour y déguster sa charcuterie consommant avec sa suite 45 douzaines de langues de mouton et de nombreux
jambons.
A la même époque, le surintendant des Postes ayant accepté
d’un sieur Flogny l’engagement de tenir à Troyes 25 chevaux de louage, exige chaque année de notre compatriote, outre une redevance de 100 livres, la remise de 2 douzaines
d’andouillettes.
A la fin du XVI° siècle, les expéditions d’andouillettes
prennent une si grande importance, qu’elles donnent lieu à l’établissement de tarifs spéciaux. C’est ainsi que le 29 septembre 1602, le Prévôt de Paris, réglemente les transports
entre Troyes et la capitale. Le port d’une douzaine d’andouillettes entre les deux villes est fixé à 2 sous 6 deniers, et un nouveau règlement élaboré le 26 mai 1656, porte ce tarif à
12 sous 6 deniers, prix anormalement élevé, puisque tout autre objet n’est taxé qu’à 18 deniers la livre.
Mais qu’est-ce qu’une andouillette ? Elle est produite à
partir de boyaux de porc frais bien grattés. L’assemblage des chaudins et des estomacs est assaisonné par une mouture d’herbes et de condiments, dont la recette est tenue
secrète depuis de nombreux siècles. Afin d’obtenir une andouillette en tous points parfaite, il faut une méthode soigneusement maîtrisée, mais aussi, un savoir-faire éprouvé. Elle
doit être embossée à la main et tirée à la ficelle dans un boyau. Pour produire un kg d’andouillette de Troyes, il faut 3 kgs de matière première.
Un diplôme a été créé par
l’Association Amicale des Amateurs d’Andouillettes Authentiques : 5 AAAAA
Cette charcuterie a fait le
tour du monde. A.T. France (A, pour andouillette, T, pour Troyes) spécialiste numéro 1 en France, expédie aussi bien en Angleterre qu’au Mexique, à Hongkong, aux Canaries, en Chine,
en Amérique Latine, que dans 60 pays d’Europe...
A Troyes, avec l’apparition des
grandes surfaces, d’une trentaine de charcuteries il y a quelques années, il en reste moins que les doigts de mes mains ! Mais fiers de leur renommée, célèbres il y a des siècles
et des siècles, ils le sont toujours pour la fabrication par exemple du boudin, ou des andouillettes, et recueillent régulièrement des médailles d’or.
Encore aujourd’hui, les
géographies, les dictionnaires, les traités, écrivent : Troyes, célèbre par sa charcuterie !
Je terminerai en rappelant les termes qu'employait l'historien
local Hariot en 1870, parlant d'une "renommée qui n'a pas son égale", nos andouillettes : " Sainte-Menehould, inclinez-vous ! vous ne tenez à votre gloire que par les
pieds; les rillettes de Tours vont pâlir, les saucissons d'Arles et de Lyon en sècheront de rage. Nous, la vieille cité d'Auguste, nous tenons notre réputation par les pieds, par la
tête et surtout par les entrailles qui ont fait les délices des Grands. Oh ! Saint Antoine, ne soit point jaloux".
En Janvier 2018, le groupe Popy rachète les emblématiques
andouillettes Lemelle (AT France).
J.S