Les anciens octrois de la ville de Troyes


Le régime des octrois s’est poursuivi à Troyes, jusqu’entre les deux guerres mondiales. Ils ont été supprimés sous la Municipalité Emile Clévy.

On remarque encore quelques uns des locaux abritant les agents qui percevaient les taxes.

         Prenons l’exemple de l’un de ces bureaux, aux abords de la rue Voltaire, qui surveillait l’entrée des marchandises et denrées provenant de Sainte-Savine, formalité à laquelle les assujettis se pliaient sans enthousiasme.

         Il faut se souvenir que les rapports entre Troyes et Sainte-Savine n’ont pas toujours connu le beau fixe qui les régit actuellement. A certains moments, ils ont même été très tendus.

Cela se passe au temps de Napoléon.

A cette époque, Sainte-Savine n’est encore qu’une bourgade de minime importance. Elle compte au plus 600 habitants, comprenant une majorité de jardiniers et quelques vignerons. La Révolution, qui ne dédaigne pas la démagogie supprime les droits d’octroi, sans les remplacer. C’est priver les villes de leurs principales ressources. Comme elle ne peuvent s’en passer pour leur gestion, Napoléon les rétablit, tout au moins en partie.

Troyes s’entoure donc d’un réseau de surveillance et ses agents perçoivent certaines taxes, surtout sur les boissons.

C’est alors que Sainte-Savine veut se soustraire à cette onéreuse obligation. Les troyens ne tardent pas à la soupçonner d’introduire en fraude, à la faveur de son voisinage, fûts de vin et bonbonnes d’eau-de-vie. Elle opère par la connexion de ses propriétés « en mettant à profit les ombres nocturnes ».

Plus tard, en 1887, la question rebondit. Les droits d’octroi jugés insuffisants, sont étendus aux légumes. Les maraîchers de Chicherey envahissent de leurs poireaux, carottes, échalotes et autres cornichons, le marché troyen, au meilleur prix, c’est-à-dire sans passer par l’octroi.

Comment s’y prennent-ils ?

Ils sont si rusés et si habiles, qu’ils ne se sont jamais fait prendre.

Les archéologues de l’époque ont cherché à découvrir les souterrains  secrets reliant les deux communes. Aucun délit flagrant n’a jamais pu être établi. Les soupçons n’en avaient pas moins beau jeu ! Certes, entre voisins on ne s’est pas battu, mais on s’est accusé réciproquement avec commentaires à l’appui

Comment liquider ces différends ?

Par deux fois, en 1810 et 1818, la Ville de Troyes en appelle au Conseil d’Etat. Par deux fois, faute de preuves, la demande est déboutée et les Saviniens continuent impunément à faire la nique aux gabelous.

C’est ainsi que le gros village s’est dressé victorieux contre l’opulente Ville de Troyes !

L’indignation troyenne, surtout localisée dans les sphères municipales, ne fit que croître au cours des années et les dirigeants de la Ville aux octrois se sont lamentés de leur impuissance.

On en resta là pendant plus d’un demi siècle.

         Il en est de  même avec la commune de Saint-Martin-ès-Vignes, qui favorise la fraude fiscale sur une échelle démesurée. En effet, cette commune est enclavée dans le territoire troyen. Les agents de l’octroi, trop peu nombreux, et liés par des règlements limitatifs, restent impuissants. A la faveur de cette situation, nombre de Troyens, « de ceux que l’on dit malins », possèdent une maison de campagne sur Saint-Martin. Ils en profitent pour rentrer en ville avec des paniers remplis et des poches rebondies, en narguant les gabelous à la faveur des ténèbres ou des embarras de voitures, et cela en plus de la contrebande perpétrée par les habitants de Saint-Martin eux-mêmes. La lutte dure 46 ans, puis cette commune est annexée par Troyes.

J.S