Porte du Beffroi, Berfroi, Beffroy, Sanctoe Savinoe, Sainte Sabine, ou de Paris



« Beffroi », c’est d’abord ce qui regarde la paix, la sécurité. Le mot qui le désigne, « bercvrit » en moyen-haut allemand était utilisé dès l’époque carolingienne, entre le VIII° et le X° siècle. Il devient « berfroi » au XII° s, adoucit en « beffroi » au XIII° s. Il s’agit alors d’une « tour de bois propre pour l’attaque et la défense ». Elle abrite aussi les guetteurs. La cloche qu’on y sonne fait fonction de tocsin en cas de danger, et  convoque le matin du 11 juin, jour de la Saint-Barnabé, les habitants à l’assemblée générale. Dans les circonstances solennelles, elle sonnait plus longtemps et plus fort, les compagnons du guet ou les compagnons paveurs, « lui donnaient le branle ». En 1431, le guet sur les murs comme sur la tour fut doublé, mesure exceptionnelle prise en raison de l’approche des ennemis, et qui dura plusieurs années. Il a aussi un autre rôle : celui d’être « la maison de la ville nommée le Beffroy », plus commodément appelé le Beffroi. Dès le XIV° s, la porte de Sainte-Savine est appelée porte du Beffroi. A partir de 1434, on élit aussi au Beffroi les fonctionnaires de la ville.  

La route de Paris aboutissait à la porte du Beffroy.

La porte du Beffroy avait 2 petites tours une herse et un pont-levis. La grande tour occupait l’endroit le plus élevé dans la topographie de la ville.  

Elle possédait 16 clefs.

Au dessus du corps principal de la porte existait anciennement une chambre bâtie en bois et en saillie, où se tenait le guet.

Elle était richement décorée : une Annonciation et, au-dessus du passage de la porte, des fleurs de lis, 2 anges tenant l’écu de France couronné et des bannières peintes d’or et d’azur, ainsi que les armes de Champagne.

En 1475, on prévoit des travaux, car cette porte très ancienne est dans un état de délabrement avancé, ce qui la rend dangereuse, les 2 tours de la porte avaient été mal fondées. La ville décide de faire les travaux pour réparer « le bas de la porte du Beffroi qui est en grand danger de fondre et de choir ». Le mur qui supporte le système d’action du pont-levis est lézardé et présente « une faille par le moyen de laquelle ledit mur semblait être dangereux ». En avril 1497, Jehan Guayl de visite cette porte. Mais rien des propositions qu’il fait ne décide la ville à entreprendre des travaux de grande envergure, hormis des réparations de fortune.

Dans le premier quart du XVI° siècle, les portes de la ville sont considérablement augmentées, en conservant les anciennes constructions.

En 1499, une assemblée des habitants décide que la porte et les tours du Beffroy et de Comporté seront démolies puis reconstruites sur un autre plan. Jehan Guaylde est sollicité pour dresser l’état de ces portes, et il visite le 12 mars ce chantier. Le 24 janvier 1500, Jehan Guaylde rapporte devant le corps de ville ses observations. Enfin, en assemblée générale du 12 mars, la ville reconnait l’état  misérable et très dangereux de cette porte et décide de la faire reconstruire. Ce n’est pourtant que le 29 mars 1501 que Jehan Guaylde signe avec la ville le marché de la reconstruction de la porte du Beffroi. Le 25 mai sont posées les fondations de la nouvelle porte. Ensuite, on commence les travaux par les grosses tours jumelles qui constituaient la porte du Beffroy. Elle est prolongée à l’extérieur, un double pont couvert est jeté sur le fossé, alors très profond, et ayant à sa tête et faisant face au bourg de Sainte-Savine, 2 nouvelles grosses tours rondes avec meurtrières sont construites. Le marché de la décoration de la nouvelle porte est signé en novembre 1504, avec Jehan Guaydre : 2 tabernacles, avec statues de l’ange Gabriel et de la Vierge Marie. La construction de l’édifice se termine en novembre 1507.

La porte du Beffroi périt dans l’incendie du 24 au 26 mai 1524, avec les tours et remparts qui la joignaient. « On s’occupa, nuit et jour, disent les chroniques, à la relever telle que les personnes de ce temps ont pu la voir ». Sa masse était imposante et son architecture toute militaire, portait le caractère de solidité qui convient à de pareils monuments. Dans l’origine elle se fermait avec une herse, et des chaînes descendant des machicoulis relevaient le pont-levis, qui fut remplacé par un pont de pierres. Sa voûte était longue, obscure et légèrement inclinée.

Cette porte est arrivée jusqu’en 1820, époque de sa démolition, dans l’état où elle fut laissée par les architectes du XVI° siècle, avec une herse. Le pont-levis fut seulement remplacé par un pont en bois.

Comme ouvrage avancé, en dehors et en face de la porte, avait été élevée une grande terrasse ou plate-forme, flanquée de 2 tourelles et munie d’un large escalier.

Ce travail fut détruit pour dégager l’entrée du faubourg de Sainte-Savine. 

Une grosse cloche existait dans la tour, que l'on ne sonne ordinairement que pour avertir de quelque danger. Mais, aucun maître « huchier » ne pouvait travailler pendant la nuit, après le couvre-feu sonné à Saint-Urbain et le réveil matin sonné par la cloche de la porte du Beffroy.

En 1431, le cardinal de Sainte-Croix, légat du pape est reçu par la ville de Troyes. Mgr l’Evêque et « les bourgeois ayant chevaux », allèrent au devant du légat, jusqu’au faubourg Saint-Antoine, « et ceux qui n’en avaient pas l’attendirent à la première barrière près des buttes des archers, près, de la porte de Paris. Les ordres mendiants et le clergé des paroisses, revêtus de surplis et de chapes, allèrent l’attendre à la porte du Beffroy et le conduisirent à la cathédrale.

Charles VII fit son entrée par la porte du Beffroi, aux acclamations populaires.

Le roi Charles VIII, passant à Troyes le 12 juin 1486, entre par cette porte du Beffroy, considérée comme la plus digne.

 En 1489, le roi Charles VIII qui fait un séjour d’un mois à Troyes,  est reçu par l’évêque et tous les gens d’église en surplis et chapes, portant les croix et les reliques. Les habitants et les officiaux royaux vont recevoir le roi à la porte du Beffroy.

Le 23 mars 1564 le roi Charles IX est reçu à la porte du Beffroy, le maire lui présente les clefs de la ville. La porte est décorée d’un groupe représentant Charlemagne, Minerve et la Victoire et des vers disent que les vertus du jeune roi n’étaient pas moindres que celles du grand empereur.

Le 20  février 1630 la reine-mère Marie de Médicis arrive à Troyes et fait son entrée par la porte du Beffroi. Louis XIII arrive le 21 à la porte du Beffroi avec la reine Anne d’Autriche. Les clefs de la ville lui furent présentées par le Corps de ville « tous les membres à genou ».

Le 23 septembre 1631, le roi fut reçu en carrosse à la porte Beffroi. Comme habituellement, les clefs de ville lui sont présentées par le maire et l’échevinage. Le lendemain 24, la reine Anne d’Autriche arrive inopinément à Troyes, elle aussi par la porte du Beffroi.

Cette porte est détruite en 1820, les restes disparaissent soit par démolition soit par le comblement du fossé vers 1850.

On peut prendre une juste idée de son aspect sous Henri IV dans un des vitraux conservés à la bibliothèque de Troyes.